4.5/5
Le jeu de la Dame

Le Jeu de la dame

 
  • Genre : Drame

Après le film The Coldest Game avec Bill Pullman, qui s’articulait autour d’une partie d’échecs pendant la crise des missiles de Cuba, Netflix s’intéresse à nouveau à ce jeu aussi complexe que fascinant avec Le Jeu de la dame. Une mini-série de Scott Frank et Allan Scott avec Anya Taylor-Joy adaptée du roman éponyme de Walter Tevis, qui nous plonge dans le monde des échecs avec autant d’intelligence que de glamour.

photo, Anya Taylor-Joy

PAWN SACRIFICE

1967. Beth Harmon (Anya Taylor-Joy) se réveille encore habillée dans la baignoire de la chambre d’un hôtel de luxe parisien après une nuit visiblement mouvementée. Après avoir gobé quelques pilules et remarqué que quelqu’un dort dans son lit, elle se précipite, sous les yeux des clients offensés, vers la salle où elle est attendue par une horde de journalistes. Lorsqu’elle s’installe face à Vasily Borgov (Marcin Dorocinski), grand maître d’échecs soviétique, elle se retrouve devant celle qu’elle était enfant (Isla Johnston) et la mini-série nous emmène 10 ans plus tôt, alors qu’on la plaçait dans un orphelinat catholique pour filles après la mort de sa mère dans un accident de voiture.

Cette séquence d’introduction expose tout le cœur de l’intrigue : une jeune américaine pleine de fougue qui doit vaincre un gaillard soviétique expérimenté, mais aussi elle-même, son passé et ses addictions grâce à un échiquier de 64 cases. Une histoire bouleversante à laquelle on assiste au cours des sept épisodes, nous montrant son ascension en tant que joueuse d’échecs, son passage à l’âge adulte, son émancipation en tant que femme, mais aussi sa chute dans l’alcool et la drogue.

 

photo, Anya Taylor-Joy

Tout commence dans cet orphelinat austère, où elle apprend les échecs avec Monsieur Shaibel (un excellent Bill Camp), un concierge bourru et réservé qui joue contre lui-même dans le sous-sol miteux de l’établissement, mais découvre aussi le Librium, un anxiolytique distribué quotidiennement aux jeunes filles pour les maintenir tranquilles, pour lequel elle va rapidement développer une dépendance. Sous son effet, les pièces de bois se matérialisent au plafond et leurs formes fantomatiques se déplacent comme dans un rêve chaque fois que la petite prodige bouge sa main dans les airs lorsqu’elle s’apprête à dormir.

Plus tard, Beth est adoptée par les Wheatley, un couple de banlieusards avec un mari toujours absent, qui n’a recueilli l’orpheline que pour fournir une nouvelle occupation à son épouse, Alma (Marielle Heller), une femme au foyer complaisante et alcoolique, qui va encourager Beth et la suivre à travers le globe pour participer à des tournois d’échecs. Ensemble, elles s’amusent, boivent, surmontent leur abandon et se libèrent des carcans de la société.

Alors que la jeune femme construit sa légende aux quatre coins du monde, elle se reconstruit auprès de sa mère adoptive et même si Le Jeu de la dame n’est pas un biopic, mais une fiction, la mini-série dresse un portrait intimiste et complexe de Beth, qui pourrait presque s’apparenter à une sorte de Bobby Fischer au féminin, mais rongée par l’addiction au lieu de la paranoïa.

a beautiful mind

Les échecs ne sont pas ce qu’il y a de plus cinégénique et peuvent même vite devenir ennuyeux, voire carrément pénibles pour n’importe qui ne connaissant pas les règles ou ne s’intéressant pas aux subtilités de ce jeu. Et pourtant, avec une réalisation élégante, réfléchie et ludique, Scott Frank réussit à rendre ce jeu palpitant, explore la complexité de Beth et capte la richesse de son personnage dans les scènes où elle se retrouve seule, mais surtout pendant les parties d’échecs, conçues avec un respect rigoureux. Bruce Pandolfini, professeur d’échecs et auteur émérite sur le sujet, avait aidé Walter Tevis à concevoir les parties d’échecs dans son livre et a également agi en tant que conseiller technique pour la mini-série aux côtés de Garry Kasparov, considéré comme l’un des meilleurs joueurs de tous les temps.

Alors que l’échiquier devient le théâtre d’une guerre psychologique, la mini-série apporte de la tension, de la douceur, de l’humour ou de la frénésie, en séparant l’écran ou en se focalisant sur les pièces, l’horloge ou les visages, mais surtout en captant le regard d’Anya Taylor-Joy. Un regard intense, profond, qui exprime la vulnérabilité, la tendresse et la fureur de Beth, parvenant à délivrer toutes les émotions qu’elle peut ressentir, de la curiosité à l’amusement en passant par l’assurance ou le doute qui l’envahit lorsqu’elle réalise que le coup qui vient de se jouer était le dernier.

photo, Anya Taylor-Joy

Après Morgane, Split ou The Witch, l’actrice démontre une nouvelle fois qu’elle déborde de talent et s’illustre à travers une performance spectaculaire, pleine de charisme, de délicatesse et d’intensité, pour un personnage dont elle incarne l’évolution tout au long de la mini-série. D’abord taciturne et renfermée, elle mûrit, se découvre et s’affirme en gravissant les échelons pour devenir une joueuse d’échecs de haut niveau ainsi qu’une femme forte, indépendante, imprévisible et pleine de confiance. Elle ébranle les idéaux de la société et l’égo des joueurs d’échecs dans un milieu alors largement dominé par les hommes, où la gent féminine est méprisée, voire exclue.

Sur son parcours, certains d’entre eux tenteront de la soutenir et de l’accompagner, comme Harry Beltik, un champion du Kentucky bienveillant (un Harry Melling attachant, qui réussit enfin à s’éloigner de son personnage de Dudley dans Harry Potter) ou encore Benny Watts (Thomas Brodie-Sangster), un joueur aussi doué que prétentieux.

En plus du casting et de la mise en scène soignée de Scott Frank (qui réalise les sept épisodes et les a écrit avec Allan Scott), la série peut également compter sur la superbe partition de Carlos Rafael Rivera pour bercer les humeurs de ce prodige avec ses compositions, mais s’appuie aussi sur une esthétique impressionnante.

 

À mesure que Beth grandit et évolue, la photographie de Steven Meizler s’illumine et l’atmosphère terne de l’orphelinat laisse place aux couleurs vives de l’extérieur, de la maison des Wheatley, des luxuriants hôtels ou de sa garde-robe. Des décors d’Uli Hanisch et des costumes de Gabriele Binder absolument somptueux, qui capturent l’esprit des années 60, mais marquent aussi l’épanouissement de Beth et la mentalité dans laquelle elle se trouve.

photo, Anya Taylor-Joy

Même si la réalisation, le casting ou la direction artistique sont impeccables, tout n’est pas parfait pour autant. Le scénario souffre de quelques problèmes de rythme et la mini-série aurait peut-être gagné à raccourcir certains épisodes. Plus, elle aurait sans doute gagné à enlever des passages qui peuvent sembler répétitifs pour développer son intrigue politique autour de la Guerre Froide ou préparer sa fin qui, aussi satisfaisante soit-elle, force le trait pour tenter de tout relier dans les dernières minutes.

Néanmoins, ces quelques défauts ne parviennent pas à entacher le frisson et le plaisir ressentis simplement en regardant Anya Taylor-Joy bouger des pièces de bois sans dire un mot (et observer le visage de celui qui se trouve en face se décomposer devant autant de génie).

Le jeu de la dame est disponible sur Netflix depuis le 23 octobre 2020 en France

Le jeu de la Dame

Les acteurs principaux

Anya Taylor-Joy

Elle est époustouflante, magique et juste. À seulement 24 ans, la comédienne crève l’écran dans son rôle de prodige des échecs. Mais Anya Taylor-Joy n’en est pas à son coup d’essai… Elle a commencé sa carrière d’actrice en 2014, cependant c’est dans Split (2017) qu’elle va se faire remarquer. À la suite de ce long-métrage à succès, la jeune Anya va apparaître dans plusieurs séries notamment Peaky Blinders. Elle va reprendre le rôle de Casey Cooke dans Glass, concluant ainsi la trilogie de M. Night Shyamalan. Elle joue également dans Radioactive, le (superbe) biopic sur Marie Curie. On devrait la revoir très vite dans d’autres productions, notamment The Northman prévu pour 2021.

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Thomas Brodie-Sangster et Anya Taylor-Joy – Copyright Netflix
Thomas Brodie-Sangster

Dans son rôle de champion des États-Unis, Thomas Brodie-Sangster est convaincant. Âgé de 30 ans, l’acteur doit ses premiers rôles à la télévision et notamment à la BBC. Mais il n’est pas improbable que son visage vous dise quelque chose… et oui, c’est lui la petite frimousse dans Love Actually, le beau-fils de Liam Neeson ! Depuis, on l’a vu dans des films comme Nanny McPhee ou la trilogie Le Labyrinthe. Mais aussi dans des séries notamment Game of Thrones et Godless. Moins connu en France, la notoriété de Thomas Sangster est plus large au Royaume-Uni.

William Camp dit Bill Camp

C’est avec lui que la jeune Beth apprend les échecs. Acteur et comédien américain, la réputation de Camp n’est plus à faire sur les planches, là où il est principalement actif. On le retrouve dans des films ou à la télévision également. On a pu le voir dans Dark Waters de Todd Haynes et dans Le Grand Jeu en 2017.

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Harry Melling – Cpyright Netflix
Harry Melling

Personnage plus secondaire de la série certes, mais au CV déjà bien rempli. À la seconde où, Harry Melling apparaît à l’écran on se dit : « Dudley Dursley !!! » (enfin ce fut mon cas). Et oui, il a joué dans la saga Harry Potter au côté de Daniel Radcliffe et Emma Waston. Vous vous souvenez, le cousin pas aimable du tout ? Après cette saga, Melling s’est surtout fait remarquer au théâtre où il a connu la consécration de sa jeune carrière. Depuis 2018, on le voit de plus en plus dans des longs-métrages notamment La Ballade de Buster Scruggs (2018) ou plus récemment The Old Guard avec Charlize Theron, ou Le Diable, tout le temps sorti sur Netflix il y a quelques mois.

Marielle Heller

Celle qui joue la mère adoptive de Beth est une actrice, réalisatrice et scénariste américaine. À l’écran, elle joue principalement dans des séries et des courts-métrages télévisés. En 2014, on la retrouve avec Scott Frank (scénariste du Jeu de la Dame) et Liam Nesson, dans le film Balade entre les tombes. Elle a réalisé son premier film l’année suivante : The Diary of a Teenage Girl.

Source : Merci au site lequotidienducinema.com pour cet article consultable sur https://www.lequotidienducinema.com/series/le-jeu-de-la-dame-retour-sur-le-casting/
Le jeu de la Dame

Voici quelques vidéos de cette magnifique série.

Le jeu de la Dame

Une critique de la série en Podcast

Cet article a 2 commentaires

  1. Bonjour !
    Un grand merci d’avoir cité Le Quotidien du Cinéma, mais est-il possible de laisser un lien véritablement actif dans votre article ?
    Bien cordialement,
    La rédaction

    1. bilbo

      Bonjour,
      Je vous remercie d’accepter l’utilisation de votre article sur mon site.
      J’ai rectifié mon post en citant votre site et en mettant des liens sur les références.
      Je reste à votre disposition si nécessaire.

      Bien Cordialement.
      Benoît, administrateur (en herbe) du site

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