Parfaitement irrévérencieuse, « Au service de la France » atomise la France gaullienne, son idée de suprématie… mais aussi et surtout notre chère administration ! Politiquement incorrecte, la série a également eu l’idée de s’inspirer des codes de deux succès bien français : « OSS 117 » bien sûr, mais aussi « Kaamelott » !

Les meilleurs agents du renseignement français : Moulinier, Clayborn, Calot, Merlaux et Jacquard (Au Service de la France - saison 1)
Les meilleurs agents du renseignement français : Moulinier, Clayborn, Calot, Merlaux et Jacquard (Au Service de la France – saison 1) © photo promo

Le pitch ? C’est une parodie d’espionnage tout simplement. André Merlaux intègre le service des renseignements français dans les années 1960, en tant que jeune stagiaire. Et nous suivons avec lui la vie très millimétrée du bureau des renseignements, avec une très – trop – grande attention aux détails, le tout baigné d’humour potache.

Production et diffusion : la série a mis cinq ans à voir le jour, elle fut un temps destinée à Canal , où elle commença même à être développée pendant 18 mois, jusqu’à ce que des désaccords internes sur la direction artistique du projet, et notamment le manque de « drôlerie » des personnages, n’aient raison de cette collaboration… Fort heureusement, le projet a été récupéré par Arte et a pu enfin être diffusé en 2015 pour une première saison. Douze épisodes, 26 minutes chacun. La seconde saison, suivant le même format, a, quant à elle, vu le jour en 2018, et la troisième est en préparation. Entre-temps la série a été récupérée par Netflix (c’est la première série française à avoir été achetée par la plateforme) et les deux saisons sont actuellement disponibles dans leur catalogue.

Entre « OSS 117 » et « Kaamelott »

Celui qui a créé la série, Jean-François Halin, était aussi le scénariste d’OSS 117 ! Et ce, pour les deux opus : Le Caire, nid d’espions (2006) et Rio ne répond plus (2009). Il s’agit là de sa toute première création « série ». Les agents secrets avec lesquels doit travailler le jeune Merlaux, héros de la série, sont tous un peu idiots, conservateurs, racistes ou misogynes… Des traits de caractère qui nous rappellent étrangement un certain Hubert Bonisseur de La Bath ! Mais alors que les OSS égratignaient la France des années Coty, Au Service de la France se paye la tête de la France des années de Gaulle.

Mais Au service de la France réutilise également d’autres codes, ceux de la série Kaamelott. Toutes deux ont comme maître mot le décalage. Elles revisitent chacune une période historique, et la détournent dans un registre comique et décalé. Là où Alexandre Astier a choisi la légende arthurienne et la thématique sacrée de la quête du Graal, Jean-François Halin s’empare des années 1960 : une période très solennelle et charnière dans l’Histoire de France. Une France terriblement fière, chauvine, arrogante et gaulliste… le tout traité avec un ton complètement décalé et parodique. Comme dans la série d’Alexandre Astier, les personnages se prennent très au sérieux, ils sont terriblement premier degré, et s’ils nous font rire, c’est purement et simplement à leurs dépens. Et nous avons tout aussi droit à des dialogues complètement jubilatoires, tellement ils sont politiquement incorrects pour la société française d’aujourd’hui.

Jean-François Halin (scénariste) :

Nous avons eu l’idée de creuser l’antagonisme entre une vie d’espion, que l’on imagine palpitante, et ce côté bureaucratique très tatillon, ringard. […] Au Service, le vol d’un trombone est aussi important que la crise des missiles à Cuba.

Politiquement incorrect

En tant que série d’espionnage, Au service de la France ne peut pas faire l’impasse sur les grandes lignes de l’Histoire… Les intrigues abordent donc des enjeux politiques et historiques cruciaux de l’Histoire de France et des relations internationales, sans pour autant sombrer dans le cours académique. Les téléspectateurs peuvent donc revisiter les revendications d’indépendance des pays africains, les événements en Algérie, la Guerre Froide, la réconciliation franco-allemande… mais aussi les turpitudes de la France avec son passé collaborationniste, et la Gerboise bleue (nom de code attribué aux essais nucléaires français)… Le tout entouré de personnages hauts en couleur mais parfois totalement stupides, à l’image de Jacquard, plus préoccupé par les variations du marché immobilier en Algérie que par les velléités d’indépendance.

Au service de la France est donc une série radicalement subversive, qui se moque ouvertement des années 1960, du gaullisme et de « l’esprit français » dans ces années-là. Elle ringardise également énormément le pouvoir… tous les personnages étant tournés en ridicule, y compris les supérieurs hiérarchiques. Finalement on a l’impression que les gouvernants sont aussi bêtes que leurs pieds, ou alors qu’ils sont tout simplement mauvais, animés par leurs intérêts personnels et qu’ils n’honorent pas bien leurs fonctions. Et avec une grande autodérision, la série se moque de l’administration française, absurde, tatillonne et la pose comme responsable de l’inertie française : avec la multitude de formulaires à tamponner, double-tamponner, les notes de frais, les bordeaux de sortie des fournitures… et l’omniprésence des « pots » dans la série, pendant lesquels tout le système s’arrête de travailler, et tant pis s’il y a une crise mondiale. Une inertie qui se retrouve également dans l’incapacité de la France à voir l’évolution des mœurs et de la société. 

On est face à une France qui veut encore croire en sa grandeur, mais qui, en réalité, est totalement déclinante, car elle reste réfractaire à tout changement, ne serait-ce qu’avec l’émancipation des femmes par exemple.

Hugo Becker (interprète d’André Merlaux) :

Au service de la France critique notre comportement face aux étrangers, notre méritocratie et la bureaucratie des années 1960 – qui n’est pas tout à fait morte, pense-t-on souvent. Elle s’amuse à faire du french bashing, à rire de notre obsession pour le décorum, les formulaires, les médailles…

Et les personnages féminins dans tout cela ?

Fidèle à l’époque qu’elle dépeint, la série est inévitablement sexiste et machiste. En tous cas dans la première saison, car dès la seconde fournée d’épisodes, le rôle des femmes change. Auparavant accessoires, les personnages féminins font l’objet de véritables intrigues dans la saison 2. On dépasse enfin la figure de la gentille petite secrétaire, humiliée par ses homologues masculins et préposée aux pots : Marie-Jo… qui se découvre des talents d’espionne et se révèle bien plus futée que les agents masculins. Quant à l’épouse bourgeoise du colonel Mercaillon, guindée et femme au foyer : Irène, elle quitte son mari et se lance dans une véritable révolution sexuelle.

Source : article original sur https://www.franceinter.fr/culture/au-service-de-la-france-la-serie-qui-dezingue-les-annees-de-gaulle-et-l-administration-francaise

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Cette publication a un commentaire

  1. bilbo

    Cette série a été pour moi une vrai surprise. Si vous aimez OSS117, l’humour décalé et les répliques cultes alors foncez!
    Les acteurs sont burlesques, se prennent tous pour des kadors à l’exception du petit nouveau « Merlot » qui joue très bien.
    Cette joyeuse bande de pieds nickelés nous fait revivre des moments critiques de notre histoire depuis les années 50 sous un angle de pseudo espionnage. Les faits abordés en toile de fonds sont réels et on découvre avec plaisir qu’ils souvent une conséquence des actions désastreuses de cet élite « au service de la France ».
    A voir et à revoir.

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